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Visa For Music maintenu! Rencontre avec son fondateur


Le festival Visa For Music aura lieu du 18 au 21 novembre ! Wallonie-Bruxelles Musiques et la Délégation Wallonie-Bruxelles à Rabat ont soutenu les éditions précédentes en répondant présents depuis de nombreuses années au premier salon musical du continent africain. COVID-19 oblige, c’est la vague d'annulation pour les rassemblements estivaux censés démarrer dans quelques semaines. Maintenu, il reste de l'espoir pour que le VFM clôture la saison culturelle avec panache comme à l'accoutumée.

Qui sont Wallonie-Bruxelles Musiques et Visa For Music?

Wallonie-Bruxelles Musiques est une agence publique spécialisée dans le soutien à l'exportation du secteur musical de la Fédération Wallonie-Bruxelles, en Belgique. Dotée d'un réseau à l'international, WBM a pour mission d'assurer la promotion des musicien·ne·s issu·e·s de Wallonie et de Bruxelles auprès des publics professionnels étrangers, d'être un relai pour les aides attribuées par Wallonie-Bruxelles International et de servir de point de contact pour des festivals de showcase, à la mobilité ou à la prospection, première vitrine à l'étranger.

Visa For Music est le premier marché de musique africaine et oriental au Maghreb a initialement pour objectif de promouvoir et d'encourager la mobilité artistique entre les pays africains et du Moyen-Orient. Aujourd'hui, le premier salon professionnel du genre dans la région s'est, au fil des années, également ouvert aux autres continents. Son fondateur et directeur Brahim El Mazned a réussi le pari de réunir des artistes, exposants et professionnel·et de faire de VFM un rendez-vous incontournable. Showcases, conférences, projections de films documentaires, « speed-meetings », ateliers et formations : chaque édition réunit de plus en plus de mélomanes à la découverte d'artistes émergents. Brahim El Mazned revient sur son compagnonnage de la première heure avec Wallonie-Bruxelles Musique dans une interview spéciale Visa For Music/Wallonie-Bruxelles!

 

DGWB: La Délégation WB à Rabat et WBM étaient encore présents lors de l’édition 2018 avec la chanteuse Camerouno-Gabonaise Adango Salicia Zulu et en 2019 avec le groupe de musique gnawa belgo-marocain Grey Stars. Comment décririez-vous cette collaboration ?

Je dirais que c’est une fidélité renouvelée à laquelle je suis très reconnaissant.

La Délégation Wallonie-Bruxelles et Wallonie-Bruxelles Musiques ont toujours été à nos côtés depuis la création de Visa For Music et la scène belge a toujours été présente dans sa diversité. Je renouvelle mes remerciements pour ces partenariats qui vont au-delà de la programmation et qui sont riches de nombreux échanges d’idées et de regards.

Comme pour beaucoup de fidèles collaborations et de projets culturels, c’est d’abord une histoire de rencontre et de personne, notamment Patrick Printz qui est un ami de longue date.

Julien Fournier, directeur de WBM et avant lui Patrick, ont manifesté un intérêt et une sympathie pour Visa For Music et ils en ont fait une vitrine pour la scène belge et un espace de coopération et de développement de capacités.

Les directeurs de la Délégation Wallonie-Bruxelles nous ont également accompagné. Et j’en profite pour remercier vivement Motonobu Kasajima qui, dès sa nomination comme Délégué Général à Rabat, a soutenu Visa For Music à une période où l’événement était en difficulté.
 

DGWB: En Belgique, les artistes se sont très tôt exprimés sur les réseaux sociaux, leurs créations ont été notamment relayées par l’initiative #AuxConfinsdelaCulture de WBI. Des collectifs d’artistes comme #NoCultureNoFuture ont également interpellé nos décideurs politiques et l’opinion publique et une première réponse a été donnée par la Ministère de la Culture, comment cela se passe au Maroc ?

Il n’y a pas eu d’initiative similaire au Maroc mais les artistes se sont montrés très généreux en offrant leur production sur les espaces numériques. Ce cri d’alarme #NoCultureNoFuture a fait écho et a été relayé à travers le monde, y compris chez nous au Maroc.

Au niveau des décideurs politiques, un nouveau ministre, jeune, a été nommé en pleine crise. C’est probablement un signal important. Beaucoup de débats constructifs ont été organisés. Même si leur situation est précaire, les acteurs culturels, artistes, collectifs, syndicats, ne sont pas restés dans les atermoiements et se montrent comme une force de propositions. Les pouvoirs publics ont été interpellés. Nous attendons encore des réactions qui, aujourd’hui, restent timides.
 

DGWB: L’avenir est incertain concernant l’ouverture des frontières, comment gérez-vous cette incertitude avec vos collaborateurs ? Quel impact cela a-t-il ?

L’incertitude est générale pour l’ensemble des secteurs, pour ce qui nous concerne, dans notre secteur, le facteur humain est au centre, il est lié à la création, à la rencontre, à l’émotion. Pour ces raisons, ce secteur sera certainement parmi les derniers à reprendre. L’impact sur le moral est important. Face à cette situation, nous avons le choix entre la passivité, et l’attentisme ou l’action. Nous avons choisi de ne pas nous arrêter, de continuer pour maintenir l’espoir et préparer notre rendez-vous de novembre prochain malgré les incertitudes notamment financières. Nous travaillons également sur d’autres projets qui ne sont pas directement impactés par les mesures de protection.

D’ailleurs notre structure bénéficie cette année avec 8 autres structures africaines d’un accompagnement précieux à travers le programme Afrique Créative, un fond initié par l’AFD, Agence Française de Développement, opéré par Africalia à Bruxelles et ses partenaires, notamment avec des sessions de formation hebdomadaire de haut niveau pour nos équipes.
 

DGWB: La pandémie a-t-elle eu un impact sur le nombre de candidatures des artistes de Visa For Music 2020 ? Avez-vous un message à leur adresser ?
 

Evidemment, nous avions peur que cette pandémie freine les candidatures. Nous avons malgré tout reçu 800 candidatures, dont plus 500 valables et complète, ce qui montre le désir de se retrouver à Rabat. Visa For Music sera probablement l’un des rares marchés à résister, nous l’espérons, à cette crise. Et nous allons profiter de ce moment de partage pour évoquer ces temps troubles et repenser l’avenir de notre secteur.
 

DGWB: Quels sont les actions prioritaires d’un festival comme VFM pour son édition 2020 post COVID-19 ?

En plus de la programmation habituelle, showcases, conférences, ateliers, nous souhaitons saisir l’opportunité offerte par cette pandémie pour repenser la place de la culture dans la société et espérons faire de cette édition un moment fort de réflexion autour des industries culturelles et créative en Afrique.

L’objectif est de mettre en valeur ce secteur dont le potentiel constitue un levier fondamental non seulement pour la promotion d’une économie soutenue, partagée et durable, mais aussi pour la cohésion sociale, le vivre-ensemble et l’inclusion des jeunes dans une dynamique constructive.
 

DGWB: On vous connaît aussi en tant que promoteur des cultures musicales. Il vous tient à cœur de faire découvrir la scène musicale régionale notamment à travers le Festival Timitar d’Agadir ou encore avec la sortie, il y a deux ans, de l'anthologie des Cheikhates de l’Aïta pour ne citer que ces projets. Qu’est-ce que cela représente pour vous ? Envisagez-vous de faire émerger d’autres artistes ?

En termes de diversité, le Maroc fait partie des pays les plus riches à l’échelle continentale et de la région du sud-méditerrannéen.

Venant d’une culture amazighe, j’ai toujours été proche des cultures régionales et de la diversité. Le Festival Timitar, lancé il y a 17 ans, est devenu une vitrine extraordinaire pour montrer la riche culture amazighe au Maroc. Certains des artistes amazighes venus de Souss et d’ailleurs sont devenus des références mondiales. C’est une fierté pour les gens de Souss. Chaque année, un demi-million de spectateurs viennent les découvrir ou les célébrer.

L’anthologie de l’Aïta, a reçu le Prix de l’Académie Charles Cros et a confirmé notre engagement pour la défense des artistes porteurs de ces cultures traditionnelles. Actuellement, nous profitons du confinement pour terminer notre seconde anthologie qui est dédiée à l’art riche des Rrwayss.
 

DGWB: En tant qu’acteur culturel, vous êtes très souvent sollicité dans la presse pour commenter la situation des artistes et des opérateurs. Y’a-t-il une question que l’on ne vous a pas encore posée à laquelle vous voudriez répondre ?

J’ai essayé d’apporter ma modeste contribution à partir de mon expérience sur le terrain et de ma relation proche avec les artistes. Et je me réjouis de voir les médias s’intéresser fortement en cette période de crise à la chose culturelle et aux problématiques de ce secteur qui est précaire par nature et encore plus aujourd’hui.

On m’a déjà posé cette question mais je souhaite rappeler et affirmer mon souhait : Comment voyez-vous l’avenir de la culture, non seulement pour notre pays mais également pour le monde ?

En plus et au-delà des urgences et des problèmes immédiats de ce secteur, je pense que nous devons mener une réflexion sur le secteur à plusieurs niveaux et notamment sur les outils pour mettre la culture au cœur du nouveau modèle de développement du Maroc.

Nous ne pouvons imaginer l’avenir de la culture, sans penser à une nouvelle façon d’investir la chose culturelle. Nous avons senti pendant ce confinement une soif extraordinaire de la part de tous, la culture et les arts ont accompagné ces moments. Pendant cette crise, c’est peut-être le secteur le plus consommé après la nourriture ! Quel que soit son mode d’expression, la culture a permis de maintenir des liens sociaux malgré les mesures prises pour contenir la pandémie. Cette période d’enfermement a également démontré le rôle central que joue la culture dans le renforcement de la résilience et de la cohésion sociale. Nous devons nous emparer et valoriser cette dynamique.

Les grands événements de l’Histoire ont chacun des modèles de réussite post-crises et les pays qui s’en sont le mieux sortis sont ceux qui ont investi dans la culture : le New Deal de Roosevelt après la crise de 1929, la construction de l’Europe après la seconde guerre mondiale ou la reconstruction des Balkans après les guerres de Yougoslavie.
 

DGWB: Une question à laquelle vous ne voulez plus répondre ?

Les questions autour de la digitalisation du travail des artistes.

Certes le numérique est présent à la fois dans la création, la diffusion et la consommation et est aujourd’hui complétement intégré dans les pratiques artistiques, et cela bien avant le Covid-19.

Mais il faut arrêter de croire que le numérique peut remplacer le live. La place des artistes et de leurs œuvres est sur la scène ou dans les espaces où ils peuvent être en contact avec le public pour vivre ensemble une émotion et une expérience sensible.

 

Retrouvez juste au-dessus la capsule CONFINÉ de Brahim El Mazned!